COMPORTEMENT TA LISTE ?

Publié le par Angélique RICHARD

 


Le comble ?

La liste fait écho à notre peur de manquer, a notre besoin de recenser, d’énumérer, de compter, de ne pas oublier, d’être complet, etc. La liste fait écho à nos névroses, souvent : c’est courir après l’ombre. Chercher à éclairer un tout qui ne sera jamais, c’est une course qui pallie à …et qui donc rassure et parfois une angoissante roue celle du presque, pas tout à fait. Parfois la liste qu’on essaie de compléter nous laisse un peu répit, un instant rassasié de ces accumulations sans aucun autre désir que celui du blanc et qui n’est pas le vide.

 

La particularité de la liste c’est qu’elle dit tout et qu’elle ne dit rien, elle ouvre vers l’infini, les multiples, les associations innombrables. Elle nomme ce qui pour fait clin d’œil à cette pensée lacanienne : tuer la chose par le fait même de la nommer mais….

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Au delà de nommer ?

Au delà de nommer parfois de façon nécessaire- dans les prémices de la démence par exemple (je pense à ce film dont j'ai déjà parlé se souvenirs des belles choses)nommer, énumérer peut ici rassurer- c'est plus souvent de façon triviale une liste de courses (des poires restent des poires sur une liste maintenant combien, de quelle espèce et à quelle maturation et si les mandarines sont plus ou moins….) enfin quoi ? 
La liste est-elle un fixateur, une mort de quelque chose, un but sans chemin ? ou permet-elle de saines dérives ?
Dans le domaine de l’art-thérapie, nous y reviendrons plus loin, on y associe bien vite avec les méthodes « comportementa-listes », l’étiquetage par la symptomatologie (DSM) allons jusqu’à effrayer véritablement :  un catalogue dans lequel seraient étiquetés, catalogués les humains qui ne « fonctionnent pas normalement » et  des thérapies qui donnent à faire des listes comme des ingrédients d’une recette pour un aller mieux. Bon…
 

 

Aujourd’hui, cette année même, il me semble c’est le mot de l’année : la liste.
 

L’apogée est actuelle dans le « domaine culturel médiatisé » avec l’exposition del’ caro Umberto eco au Louvre « Mille et tre : vertiges de la liste »1 je ne pourrais pas voir cette exposition pour autant si certains visiteurs veulent en dire quelque chose sur ce blog…

Il y a eu également Charles Dantzig2 avec son  encyclopédie capricieuse du tout et du rien  paru il y a quelques temps il disait quelque part dans l’ouvrage « Une liste serait-elle une boite à papillons vivants ? » . Aussi ce jeune écrivain surprenant, Bernard Quiriny avec ces Contes carnivores 3 tourne autour (des listes et catalogues) dans certaines de ces nouvelles : « Quelques écrivains, tous morts » ou dans les trois projets de Pierre Gould (« annuaire permanent des donneurs de leçons, guide des écrivains surestimés, anthologies des jurisprudences gondolantes »).

Bien avant, avant encore,  il y avait Sei Shônagon, femme de lettres Japonaise qui écrit vers l’an 1000-1001 le livre Notes de chevets 4. Ce livre est considéré, comme…inclassable.
 

En parallèle d’un chemin artistique de plus en plus usité c’est aussi dans la société, dans notre quotidien que la liste prends de l’ampleur.

Dans une interview qu’Eco donne à Télérama http://www.telerama.fr/livre/umberto-eco-internet-encourage-la-lecture-de-livres-parce-qu-il-augmente-la-curiosite,47983.php - http://www.telerama.fr/livre/umberto-eco-internet-encourage-la-lecture-de-livres-parce-qu-il-augmente-la-curiosite,47983.
L’écrivain parle du concours que porte internet à ce développement, je ne pense que ce soit la seule raison il en est d’autres notamment l’inabouti, l'ouverture et ce qui fait que la forme n’est jamais définitive. Eco parle de poésie et évoque les  « et cætera » des fins ( ?) de listes. C’est là justement qu’il me semble qu’il y a voir en art-thérapie : dans les et cætera.

 Et cætera

Une des idées de la médiation est de laisser aller la spontanéité d’expression du patient, de la favoriser en l’ accompagnant de façon discrète quand nécessaire. Ainsi le patient pourra, s’il le souhaite observer ce qui a fait trace et peut-être en dire quelque chose.
Avec l’écriture comme médiation ce n’est pas le plus aisé. Le mot "termine ou clos quelque chose" m’ont dit parfois les patients, ceci est un ressenti. Il est un fait que souvent l’écriture est perçue majoritairement comme synthétique, formelle, pragmatique par les patients. C’est d’air alors dont il est nécessaire (un peu comme les listes qui classent, claquent, ferment). Au lieu de coller il faudrait voir si peut décoller, déjà un peu.

La possibilité de jouer avec les mots peut être suggérée alors dans les ateliers (cadavres exquis, écriture automatique, etc.). La liste peut alors devenir l’appogiature d’un : vers autre chose, d’une butée dépassée, d’autres possibles, sans fin, la fenêtre ouverte. Elle peut aussi permettre de faire le lien avec autrui et se compléter, avec d’autres.

Si la liste peut-être dangereuse, réductrice, vide de sens,  elle pourrait aussi  être un trampoline, une façon d’ouvrir l’horizon, etc.
 
1 Exposition du 07/11/2009 au 08/02/2010 Le Louvre invite umberto Eco : Mille e tre 
2 Charles Dantzig, encyclopédie du tout et du rien, ed. Grasset 
3 Bernard Quiriny, Contes carnivores, ed Seuil
4 Sei Shônagon, Notes de chevets Connaissance de l'orient, ed Gallimard/Unesco
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A
<br /> très agréable article, foisonnant et riche à conseiller!!!! j'ai beaucoup apprécié le jeu de mot introductif. a conseiller à toutes les têtes en l'air qui s'y trouvent bien, moi envieux d'avoir la<br /> tête en bas<br /> <br /> <br />
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